Art-thérapie : le témoignage d’une thérapeute

Dans le cadre de mon « carré VIP », chaque mois je reçois un(e) passionné(e) qui nous partage une réflexion sur l’art.
L’article ci-dessous est un article invité rédigé par Alexandra Keloghlanian, art-thérapeute.
« Nous ne voyons jamais les choses telles qu’elles sont, 
nous les voyons telles que nous sommes. » 
Je m’appelle Alexandra Keloghlanian et j’ai aujourd’hui 36 ans. Après mes études en Allemagne ou je suis née, j’ai suivi une formation de design publicitaire à Stuttgart pendant 4 ans.
Il y a 7 ans, j’ai découvert l’art-thérapie. Cette découverte a beaucoup influencé mon parcours artistique en modifiant et libérant ma manière de créer et de ressentir les couleurs et les formes. Elle a aussi remué, confirmé, remis en question, dévoilé et découvert certaines choses en moi. C’est une aventure passionnante et interminable…
A l’époque, j’étais activement à la recherche d’un changement personnel et professionnel dans ma vie, mais je n’arrivais pas à formuler clairement cette recherche. C’était une insatisfaction générale qui me pesait de plus en plus. Professionnellement, je ne pouvais plus continuer dans la même voie. J’étais secrétaire bilingue en congé parental dans une entreprise allemande implantée en France. Maman de deux enfants, ma fonction de mère de famille ne me suffisait plus. Il y avait un grand vide personnel. Je me remettais beaucoup en question. Le besoin d’aller vers moi pour m’ouvrir à nouveau aux autres devenait de plus en plus pressant.

Fresque de groupe – Objectif : trouver sa place. 
Se mettre en valeur à travers les autres, être mis en valeur par la dynamique du groupe.
Ma rencontre avec l’art-thérapie
Pour revenir à cette rencontre inattendue avec l’art-thérapie, je n’imaginais pas trouver un changement personnel qui implique autant ma personne, mes ressentis et expériences, mes souvenirs conscients ou inconscients. J’insiste sur le mot rencontre, parce que, plus tard, durant ma formation avec l’association régionale du Nord Pas de Calais Puzzle, j’ai découvert à quel point le « processus thérapeutique dépend en grande partie de la qualité de la rencontre qui est un des outils de l’art-thérapie ».
La qualité de ma rencontre avec l’art-thérapie était le facteur déclenchant. Il y a eu, bien sûr, des grands moments de réflexion. Se lancer à 30 ans dans une formation nouvelle, dans un autre pays, n’était pas évident. C’est en participant à différents ateliers d’art-thérapie avec Puzzle, que j’ai pu conforter ma motivation pour cette formation.
Ce qui m’a toujours encouragée dans cette formation, et qui continuera à le faire, est le fait de savoir que cette découverte de soi est infinie. C’est important de rester dans cette démarche pour être ouvert à soi et aux autres. Les effets positifs de mes expériences personnelles en art-thérapie et les expériences de patients en stages cliniques me confirment l’importance de ce travail en art-thérapie ; ils resteront à jamais le moteur de mes démarches, autant personnelles que professionnelles.

Atelier argile à plusieurs –  Objectif : Travail sur la relation à autrui. Comment créer par rapport à la création de l’autre ? 
Travail sur ses propres limites et celles de l’autre. 

 
Atelier argile en binôme.
Objectif : travail sur la relation à l’autre.

La perception par la « carte du monde »

La découverte de ma « carte du monde » m’a fait beaucoup avancer en ce qui concerne mon écoute ou ma tolérance envers les autres. « La carte du monde » est un système de perception et d’interprétation dont chacun de nous dispose. Comme notre conscience ne possède pas d’accès direct à la réalité, les stimuli que nous envoie l’environnement passent par une série de filtres perceptifs. Ces filtres se composent d’ordres physiologique, culturel et individuel : les organes des sens, le langage que nous parlons, nos croyances, valeurs, attitudes, souvenirs, qui sont des acquis collectif et individuel.

Ces filtres transforment toute sensation en une perception qui dépend de ce que nous sommes ; ce qui m’a fait comprendre l’importance de s’ouvrir à la diversité de ce système de perceptions des autres. 
En étant consciente de ma propre « carte du monde », il est pour moi important de la laisser de côté, en situation d’écoute, afin de pouvoir m’ouvrir le plus possible à celle de mon interlocuteur pour ne pas le juger et rester neutre le plus possible. Les mots n’ont pas la même signification pour tous, et même en accord, la communication est une approximation personnelle de la réalité. En prenant en compte la « carte » de l’autre, il est important de l’assimiler à d’autres formes d’expressions (corporelle, artistique …). Cela me permet de prendre conscience de la personne dans son ensemble, au lieu de la comparer à mes premières impressions liées à des croyances, valeurs et expériences personnelles. C’est en cela que la première rencontre peut nous tromper et nous amener à faire fausse route. Il est donc important pour moi de garder en tête la qualité de la rencontre. Laisser sa « carte » de coté demande beaucoup de rigueur, car elle définit une partie importante de notre personnalité. Il me semble que cette démarche est indispensable pour toute relation d’aide et de transfert positif. Cette démarche de juste présence du thérapeute est indispensable à tout ce qui se vit dans l’espace atelier. « Juste présence qui implique non seulement sa disponibilité au vécu global du patient mais une ouverture plus consciente à ce qui l’habite lui-même ».
Le processus de filtrage qui alimente notre carte du monde, est en quelque sorte un processus réducteur de notre connaissance de la réalité. Ce sont aussi des processus indispensables à cette connaissance, qui permettent de transformer la réalité en signes intermédiaires entre elle et nous. C’est grâce aux processus réducteurs que nous rencontrons le monde de la façon qui nous est accessible. Il s’agit d’un processus de contrôle et de réajustement de nos connaissances qui font référence à nos valeurs, croyances et critères qui sont hérités de notre ascendance et remodelés par notre apprentissage de la vie.

« Laisser la porte ouverte au possible pour entreprendre un voyage 
au pays de la découverte de soi »

 

Mandala écoute créative 1 – Objectif : favoriser le lâcher-prise. 
La première étape consiste à tracer des traits avec un crayon les yeux fermés sur un fond musical. 
A la deuxieme étape il faut remplir les formes spontanément avec les couleurs. 
Travail en lien avec l’inconscient : que disent ces couleurs et ces formes ?…
Je pense qu’en tant qu’art-thérapeute, on ne peut s’occuper de l’imaginaire des autres si on ne connaît pas le sien. C’est pourquoi il est important pour moi de travailler constamment sur moi-même, de me remettre en question pour pouvoir avancer et ne pas transmettre des vérités toutes faites.
Les ateliers vécus durant ma formation ont été autant surprenants que révélateurs, émouvants ou blessants, mais toujours enrichissants.
Je suis consciente de n’avoir découvert qu’un petit aperçu de ce qui est encore possible, parce que l’expression artistique sous toutes ses formes révèle, dans sa dimension symbolique et sa signification personnelle, de multiples aspects de la relation avec soi-même et le monde extérieur. Mes expériences personnelles, surtout durant les stages en clinique en art-thérapie, m’ont aidée à avoir plus confiance en moi et d’être consciente de mes limites et capacités à travailler dans une relation d’aide. Connaitre ses propres limites est indispensable pour savoir jusqu’où on peut aller dans la relation d’aide. Ce n’est pas un défaut d’avoir des limites. Il est important de les respecter afin de mieux aider l’autre.
J’ai notamment pu constater à quel point il est nécessaire de faire confiance aux possibilités de chacun ; c’est cette conviction que chaque personne est capable de trouver en soi cette créativité transformatrice, qui m’a permis de mener à bien mon travail d’art-thérapie et de m’impliquer dans cette relation d’aide où le lien entre le thérapeute et le patient est basé sur une confiance mutuelle.
C’est le respect du cadre de l’atelier, qui se réfère à un cadre solide, qui est ensuite renforcé par l’acceptation du contenu artistique. La confiance mutuelle est basée sur la neutralité, sans jugement ni interprétation du contenu.

Dans les ateliers que je propose en art-thérapie, ou encore dans mon activité associative auprès d’un atelier d’art-thérapie des Restaurants du Cœur, l’œuvre est considérée dans son contenu, sans interprétations, se gardant ainsi des dérives possibles. C’est-à-dire en considérant uniquement le rapport entre le fond et la forme du contenu artistique de la production. Mais elle n’est pas l’objectif final, c’est le processus créatif du patient qui est intéressant dans le protocole de prise en charge mis en place avec la personne. C’est le cheminement de transformation qui a lieu tout au long de cette création qui agira sur le mal-être de la personne. C’est par rapport à ses révélations, découvertes et émotions que le patient s’approchera un peu plus de lui-même. C’est justement ce travail d’acceptation et de transformation par un processus symbolique qui est fondamental en art-thérapie. Symboliser les événements, dessins, objets créés, est un moyen par lequel se transmet efficacement un message à notre inconscient. Car l’inconscient est « primitif » voir « enfantin » et à l’aide d’images, symboles et couleurs, accompagnés d’émotions, il y a un message qui se grave en lui. 
Par la symbolisation en art-thérapie les choses s’inscrivent dans notre inconscient et en parallèle dans la réalité.
Les possibilités de l’art-thérapie sont multiples et inépuisables
Aujourd’hui, je propose des ateliers d’art-thérapie en libérale et je souhaite également poursuivre ce travail d’accompagnement d’enfants, d’adolescents et d’adultes par l’intermédiaire de mon association Expressions Colorées, afin de faire connaître l’art-thérapie qui est encore méconnue, donc mal comprise. L’association a été créée en 2009 avec comme objectif de faire découvrir l’importance de la création, la transformation, l’acceptation dans un cheminement thérapeutique. Par les ateliers que je propose, j’invite les intéressés à expérimenter une grande variété d’outils artistiques et surtout, le travail du masque comme objet médiateur.

Fresque silhouettes – Objectif : Travail sur l’image du corps et sa place dans le groupe.
Une personne se met devant la grande feuille posée sur le mur et une autre personne trace sa silhouette. Ensuite la personne remplit sa silhouette de formes et de couleurs au milieu de toutes les autres. 

Conclusion

Pour tout ceux qui se sentent attirés par l’art-thérapie, je conseille de participer au moins à un stage ou un atelier d’art-thérapie pour pouvoir expérimenter personnellement cette méthode.
L’art-thérapie n’est pas seulement un métier, mais une passion, une vocation dans laquelle on s’implique entièrement. La formation est un travail personnel qui confronte le futur art-thérapeute à ses propres problèmes et a ses propres limites
Il y plusieurs façons de suivre la formation  : soit par les Universités (Paris ou Tours) ou de multiples écoles privées, qui sont, pour la plupart accréditées par la Fédération Française des Art-Thérapeutes. La fédération est la seule reconnaissance pour les art-thérapeutes aujourd’hui.
Ce que je peux dire aux futurs art-thérapeutes est de s’écouter et de faire confiance à leurs propres ressentis. Il est encore difficile de trouver un emploi dans ce domaine, mais il ne faut pas se décourager. 
Ce qui m’encourage chaque jour à me battre pour la reconnaissance de l’art-thérapie c´est ma persuasion de l’effet bénéfique, les résultats encourageants et aussi la demande croissante des personnes en détresse découvrant ce genre de thérapie.
À ceux qui s’engagent dans cette formation, je souhaite beaucoup de plaisir et de curiosité dans cette belle aventure !
À ceux qui découvrent l’art-thérapie… Faites vous confiance ! 
Merci pour votre intérêt.
«Il n’y a qu’une chose qui puisse rendre un rêve impossible
c’est la peur d’échouer. » (Paolo Coelho)

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Un grand merci, réitéré publiquement, à Alexandra pour ce magnifique témoignage ! Chers Amis Lecteurs, si vous voulez réagir, je vous invite à vous exprimer dans les commentaires  !  (^_-)

12 Commentaires

  1. Je ne connaissais de l’art-thérapie que notre conversation sur le sujet Diane. Je suis ravie de découvrir Alexandra Keloghlanian, qui a bien fait d’évoluer vers cette voie. Ses paroles décrivent bien la passion qui lui font nous commenter avec dévotion l’univers qui est le sien désormais et infini … J’ai hâte de trouver une séance d’art-thérapie dans notre région. Ca me tente vraiment d’essayer après mettre impregniée de ce beau récit.
    Martine de Moret-sur-Loing (77)

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  2. Bonjour Martine et merci pour ce beau commentaire !

    J’ai également ressenti la passion et l’émotion en lisant le témoignage d’Alexandra… et plus encore : de l’humilité et de l’amour pour l’être humain ! Ne plus voir l’autre à travers son propre filtre mais s’abandonner à être disponible à lui, dans l’instant présent est un véritable acte de don de soi et de respect de l’autre !

    Je me rends compte combien cela doit être difficile ! Les personnes comme Alexandra ont toute mon admiration…

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  3. Ce témoignage tombe à pic, je discutais justement avec mon père hier soir (au téléphone), des ateliers d’art-thérapie qui ponctuent son séjour en centre…Notre communication qui est souvent restreinte a alors pris une autre dimension, d’un coup le message passait, et il me disait combien cela lui plaît. C’est une belle leçon que nous enseigne Alexandra, je suis admirative de ce genre de personne qui se donnent autant, ce travail doit être passionnant mais épuisant, un grand bravo. Je pense que l’art-thérapie devrait être développée à plus grande échelle, plus connue, je crois en ses vertus.

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  4. En même temps, pourquoi des noms pompeux et savants à des choses toutes simples? Pas besoin « d’art thérapie » ou d’aller dans X centre « agréés » ou consorts pour se sentir heureux. le premier magasin de beaux arts et un peu de matériel apportera la même satisfaction tout comme un bon ami qui sait écouter remplacera bien plus avantageusement un psy.

    Ca m’amuse toujours de voir les gens « béats » ( pour être poli ) à redécouvrir des choses qui existent déjà, simplement en leur donnant un nouveau nom, une nouvelle étiquette et une pseudo crédibilité médicale.

    Jouer de la musique ou peindre en plus d’être un plaisir « naturel » peut aussi etre un éxutoire, tout aussi naturel. Par conséquent à la portée de tous et pratiquable par tous selon son unique bon vouloir. Ce qui m’amuse avec ces « arts thérapie » c’est de donner l’illusion de se mettre « en condition » pour tout celà ( plaisir, détente, exutoire, etc..) alors que l’activité même, intrinséquement, par sa pratique povoque déjà toutes ces réactions.

    Moralité: faite de la peinture, ça ne vous fera que du bien, le reste n’est que du blabla inutile pseudo médico-philosphique pour justifier ce qui n’a justement rien à être justifié!

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  5. Tricot Rayé => Merci pour ton témoignage qui est un bel exemple illustrant le bénéfice que procure l’art-thérapie. 😉

    Anonyme => Ah ah (rire) ! ^^ Je me doutais bien, qu’en bon râleur de service, tu passerais par là, monsieur le « pas si anonyme que ça ». 😉

    Tu n’es juste pas en résonance avec le principe de l’art-thérapie. Tu vois le phénomène à travers ta propre carte du monde sur laquelle tu bases tes certitudes. Ton opinion n’est ni mauvaise ni bonne… c’est juste une opinion.

    Tout est neutre et c’est la façon dont on voit les choses qui leur donne leur saveur.

    Conseil d’amie : fais le focus sur tes objectifs et ne perds pas ton temps à batailler contre ce que tu n’apprécies pas, tu y gagneras en temps et en énergie !

    Bonnes peinture et musique mon ami… (^_-)

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  6. Anonyme : Je suis triste que tu ne comprenne pas mieux ce que dis Alexandra. Il y a des gens qui souffrent énormément, physiquement, psychiquement, qui n’ont aucune connaissance de l’art, qui n’ont bien souvent jamais touché un crayon. L’art-thérapie amène à ces personnes la possibilité de s’exprimer différemment, mais ça, ils n’y avaient jamais pensé auparavant. L’art-thérapie apporte au sein des centres médicaux et para-médicaux une nouvelle forme de soin, qui est très importante. Une bonne séance de peinture vaut mieux que 3 cachets, non?

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  7. « Une bonne séance de peinture vaut mieux que 3 cachets, non? »

    Je suis entièrement d’accord, et justement ce que je dis c’est qu’on a pas besoin d’ordonnance ( et donc de docteur ) pour se soigner puisqu’on peut le faire tout seul! C’est tout ce que je voulais dire 🙂

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  8. Mais non, on ne peut pas toujours le faire tout seul…
    Certaines personnes ont des blocages, des barrières dont elles se sont entourées et qui les emprisonnent dans leur angoisses.
    Les arts-thérapeutes ou simplement les bons amis qui leur mettent un crayon ou un pinceau ou de la pate à modeler dans les mains savent ça.
    Combien de fois les personnes qui viennent à mon atelier me disent : « je me sens tellement mieux au bout de deux heures ici »… simplement parce qu’elles ont oublié leur soucis ou parce qu’elles ont transféré une partie de leur émotion sur la toile.
    Elles ne l’auraient pas fait seules…

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  9. Diane : Merci pour la découverte d’Alexandra… ^;^

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  10. La feuille de papier ou la toile sont des miroirs où se reflète la personnalité de chacun qui manie le crayon, pinceau, bout de craie. Je ne suis pas thérapeute, mais depuis 13 ans que j’enseigne le dessin et le pastel, j’ai appris à lire à livre ouvert dans l’esprit de certains de mes élèves.

    Certains sont venus chercher quelque chose d’autre qu’une simple activité ou une recherche d’une meilleure technique. Mon seul but est qu’ils se sentent bien dans mes cours en respectant ce qu’ils sont. Et si accessoirement, ils arrivent à faire des progrès notoires, alors c’est la cerise sur le gâteau. C’est un aspect de l’enseignement que je n’avais vraiment pas imaginé. J’ai juste appris à donner, à écouter et aussi à me préserver.

    Quelle que soit la manière dont on le pratique, c’est un métier merveilleux, passionnant, enrichissant. Tous mes vœux de réussite et de plénitude à Alexandra.

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  11. Merci à vous, Anne et Jean-Charles, pour vos commentaires qui montrent que l’enseignant apprend tout autant que l’élève et combien cela est enrichissant pour tous !

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